Toussaint et le columbarium

Un matin automnal de l’an-qui-l’ose, le ciel pleure jusqu’aux entrailles de la terre.

Des gants aux pieds et des bottes trouées aux mains, un garçon de 1370 mm court vers la falaise assiégée par des ajoncs rouge sang.

Sur la plage, trois étages au-dessus de l’amer et deux étages en-dessous du contentement, les coquillages dansent avec les grains de sable ; les crevettes et les crabes fabriquent des épuisettes à pinces à linge et les vagues soufflent avec force sur le soleil.

Debout sur sa tête, Toussaint, né le 1er novembre de l’année égale à 9, parle la mouette avec un goéland majestueux, niché sur le Columbarium de la Pointe du Mine de Rien.

Toutes les âmes du rivage, du village, du pays et du monde ont peur de la tempête à venir, de celle qui éclaire la nuit et qui dévaste la vie, en sautant de joie, dans son macabre costume.

Demain, le blondinet fêtera ses douzes cierges et le seul bonbon qu’il désire croquer est la vie, toujours et encore !

Entouré de ses fidèles amis, au pied d’un chêne sans âge, il frappe à la porte de la mémoire désabusée et demande à un sorcier aux plumes d’ange décharnées – surnommé Freux par tous les A – une formule magique pour chavirer les plans de la grande faucheuse,  en balade pré-digestive dans la lande, hantée par ses éternelles borborygmes d’affamée.

Tout à l’heure, lorsque les balais à moteur danseront une valse à 5 vents, Halloween chantera son hymne irlandais et plongera la planète dans l’obscurité de ses pensées.

Mais Toussaint et sa bande désirent un au-delà heureux et serein pour l’humanité !

Un énorme nuage, au regard nébuleux, descend pour les embrasser. Ses bras sont si légers, qu’ils semblent se fondre avec les épaules du garçonnet, lorsqu’il murmure à sa troisième oreille (celle du cœur), un secret lanterne.

Aussitôt dit, aussitôt presque fait !

Noël l’épouvantail (d’une tristesse à se pendre depuis que sa mie, la botte de paille s’est fait la malle pour un corbeau prétentieux) vient de déguster son chapeau de chiffons et rejoue à ses camarades, le remake d’avant hier.

Les secondes s’égrainent à l’horloge de l’absurde de la situation, mais personne n’y peut rien car elle n’est jamais à l’heure !

Accompagné de son fidèle ami croque-mitaine, d’un lièvre félin et de sa cousine musicienne, la grive bigoudène, Toussaint se dirige vers la forêt de la désolation. Inspirant une dernière goulée de fantaisie, ils se dirigent à pas chassés vers le feu de l’action. Sur le chemin, recherchant la clef du mystère, ils soulèvent tous les menhirs qu’ils croisent et les reposent à l’envers, le sourire fantôme.

Puis au rond-point d’une interrogation, ils déclament tout à tour, le slogan suivant : « Pince-moi je rêve ! » , apprivoisant ainsi les ténèbres lumineuses et son grand centre cosmopolite.

Des graines d’étoiles plein les poches, ils s’avancent vers un totem citrouille, lisent dans un nuage l’itinéraire à suivre et s’enfoncent doucement dans le royaume des fougères.

Au coeur d’une futaie, Toussaint allume un rayon de lune.
L’aube est encore loin. Le froid pique du nez.
La fatigue enlace doucement les quatre compagnons.

Le spectacle est à peine commencé, qu’ils dorment déjà !

Les elfes et les lutins jouent de la flûte et de la harpe, espérant les réveiller. Les korrigans et les fées gambillent au rythme des frissons de l’air, entre deux refrains malins.

Pas de temps mort malgré tout ! Ankou a tout payé d’avance !

Le spectacle continue, et ses parfums caressent l’âme de Toussaint jusqu’au chant des braises.

Au lever du soleil, Toussaint et ses camarades de voyage, envahis de tremblements magiciens, se lèvent promptement et s’élancent dans une gigue fantasque, aussi désordonnée que leurs idées.

Epuisé et joyeux, Toussaint lance ses graines d’étoiles dans la poussière des lieux, dévoilant la beauté d’un autre monde, invisible et beau – et se retrouve l’instant d’après au bord de la falaise, près du Columbarium, une faucille dans une main et un taille-crayon dans l’autre !

Texte : MOONATH © ND 

Photo de Richard Desmarais
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8 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. mamielily dit :

    Toussaint…semeur de graines d’étoiles…Comme j’aime cette suggestion !
    Merci, Moonath et bon dimanche !
    A Bruxelles, les couleurs de l’automne resplendissent au soleil.

  2. c’est un texte déroutant, sombre et lumineux, inquiétant et rassurant, féerique et horrifique à la fois.
    Bisousssssssssssssssssssssssssssssssss

  3. Quel beau texte, comme les mots résonnent au coin des falaises en bord de mer : ils s’entrechoquent doucettement, tels des dés du hasard en bruits ronds, pleins, pour notre plus grand plaisir. On lit ça en passant la langue sur les lèvres, la bouche pleine de bonbons.

  4. Moonath dit :

    Merci Liliane, Hugues et Anne pour vos commentaires ensoleillés sur ce texte écrit en octobre 2010… bel après-midi à tous !

  5. Elisa dit :

    Très beau texte, il dégage cette magie puissante qui m’emporte à chaque fois. Très bon dimanche 🙂

    1. Moonath dit :

      Merci Elisa pour ton enthousiasme vivifiant 🙂 Douce soirée…

    1. Moonath dit :

      merci Flipperine…

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