Il était une fois, une petite ficelle sans couleur qui désespérait dans un panier d’osier, au fond d’un atelier de tissage.
« Personne ne me remarque, je suis pourtant si belle ! » pleurniche la prétentieuse demoiselle en s’admirant pour la centième fois dans son miroir.
Elle aimerait tellement qu’un apprenti ou le maître tapissier vint à passer près d’elle et la prenne délicatement dans ses mains, faisant ainsi basculer son destin.
« Cela fait très longtemps que l’on m’ignore ici ! » tempête-t’elle « il faut que cela change ! »
« Pelotes de laine, fils de coton, il faut impérativement que vous m’aidiez à charmer ces messieurs les artisans ! » ordonne-t’elle « je ne peux rester plus longtemps dans cet obscurité, le noir ne doit pas devenir ma couleur ! »
« Que pouvons-nous faire pour toi ? » demande un gentil fil de soie.
« Il faut que vous tombiez malade mes amis ! Lorsque vous aurez perdu un peu de vos couleurs, les ouvriers viendront vers moi et me teinteront d’or ! » lance la petite ficelle d’un ton présomptueux.
« Hors de question, chère Madame, que nous perdions notre beauté simplement pour votre plaisir ! » tonne la reine Mohair « Patientez encore un peu, votre tour viendra bientôt ! »
« Ayez pitié de moi, camarades. L’humidité gâche jour après jour mon teint de nacre. Je vais devenir une ficelle toute rabougrie et finir dans le lit d’une souris » s’exclame tristement la petite ficelle.
« Tant pis pour vous ! » répond sèchement Madame Bobine. « Depuis des années, vous jalousez nos éclatantes carnations. Par vos calomnies, vous avez essayé de créer la zizanie au sein de la boutique mais en vain. Madame, regardez toujours derrière vous car un jour, votre méchanceté se retournera contre vous ! »
*
Un soir d’été, le hasard vint au secours de la petite ficelle.
En effet, Tricotin le patron décida qu’il était temps de nettoyer en grand ! Dans un nuage de poussière et dans un brouhaha assourdissant, le plus jeune de ses disciples se mit à trier les pelotes. Après avoir classer les cotonnades et les nylons d’un côté,et les laines d’un autre côté ; il décida d’enrouler les cordes et les ficelles autour d’un vieux fusain. Au cours de son rangement, il tomba nez à nez avec la petite ficelle qui était jaunie et toute ratatinée. Comme il lui était interdit de jeter quoi que ce soit, par soucis d’économie, il la lança en l’air en sifflotant innocemment. Pour son plus grand bonheur, la petite ficelle atterrit dans une grande jarre où se mélangeait du rouge et du jaune.
« Quelle chance ! » s’écrie-t’elle « je vais devenir orange, une couleur gaie et flatteuse, le colori préféré des grands de ce pays ! »
Dans ce mélange onctueux, la petite ficelle retrouva ses artifices, sa jeunesse et malheureusement aussi, son abominable caractère. Après avoir été colorée, la petite ficelle et ses congénères se retrouvèrent en compagnie de soieries et de tissus d’ameublement d’une majesté incroyable ! Lavée, séchée, brossée, la vaniteuse demoiselle servit à la fabrication d’un tapis réservé à une importante famille de notable.
« Mon avenir s’annonce magnifique et extraordinaire, tout comme moi ! » pense tout haut la petite ficelle. « J’ai failli être dévorée par les vers, et me voilà maintenant transformée en un somptueux tapis ! »
*
L’insolente petite ficelle ne vécut pas très longtemps chez les nobles gens car Monsieur, une année difficile, fit faillite et revendit ses biens à un jeune négociant. Ce dernier troqua le tapis éclatant contre une horloge bruyante et, la petite ficelle se retrouva dans un grenier durant de nombreuses années.
*
Il y a quelques jours, des enfants en jouant aux flibustiers ont trouvé le tapis et ont ranimé la petite ficelle revêche. Leur mère a décidé de rajeunir le tapis et l’a déposé dans la machine à laver. Toute contente, la petite ficelle ragaillardie par tant d’intérêt se voyait à nouveau resplendissante, au pied d’un lit.
Par malchance ou par chance ! La petite ficelle sortit décolorée de ce lavage et retrouva son aspect d’origine. Le tapis flamboyant avait fait place à un tapis ficelle, naturel, sans gaieté et sans attrait particulier, qui a fini sa vie au fond d’une malle d’osier !
Texte : MOONATH © ND
Photo internet
Une petite douceur comme je les aime, merci du partage et très bon week-end ! 🙂